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07. | The others are the others
 
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  • 1999, Morocco, France, 11 min 02, SD, 4/3, color, stereo.
    Courtesy of the artist and Analix Forever, Genova.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

Video

'' Who are other people? That seemingly simple question was inspired to the artist by the

question the Algerian writer Mohammed Dib asked a few French philosophers, among which Jacques Derrida. ''


Marie Deparis, Paris, 2007
 




Collection of Musée de l'histoire de l'immigration, Paris

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Qui sont les autres ? Cette question, simple a priori, fut inspirée à l’artiste par celle que posa l’écrivain algérien Mohammed Dib à quelques philosophes français, dont Jacques Derrida. Pour mounir fatmi, il s’agit de sortir cette problématique classique de la philsophie d’un contexte intellectuel, de la confronter à la rue. La voici donc livrée aux passants, dans les rues de Paris ou de Mantes la Jolie Les réponses sont laconiques, fuyantes, tendres, complices, philosophiques parfois. Elles sont aussi tout et leur contraire, apparemment évidentes et pourtant toujours ambivalentes. D’« il n’y a pas d’autres » à « tout le monde est autre», ce que disent les passants révèle l’ambiguïté délicate de toute définition, au risque permanent de méconnaitre autrui, que l’on nie sa différence ou qu’il soit généreusement perçu comme mon semblable, et témoignent de la difficulté de donner un sens précis à ce qu’est l’altérité.

 « Les autres c’est les autres »- Cette forme de tautologie porte en elle toute la négativité introduite au cœur  de la relation humaine : « autrui c’est celui qui n’est pas moi et que je ne suis pas »* . Cette vidéo interroge la manière dont chacun, dans son vécu, dans sa spontanéité, perçoit cette double structure du même et de l’autre, de l’autre que moi en même temps qu’autre moi, ce « moi-même dont rien ne me sépare (…) si ce n’est sa pure et totale liberté. »*, et l’essentielle réversibilité de cette assertion.

Les autres c’est les autres engage donc une réflexion qui traverse tout le travail de l’artiste à propos de la constitution de l’identité. Demander, se demander, qui sont les autres, c’est bien sûr aussi demander, se demander, qui je suis, moi, ou plus exactement comment je me constitue, comment je me définis à l’épreuve du regard de l’autre. Un passant s'empare de la caméra et la tourne vers l'artiste, qui lui pose la question: "Les autres, c'est lui." Car si l’autre est l’essentiel « médiateur entre moi et moi-même »*, qui me dit qui je suis et auquel je ne peux me soustraire, son regard et l’image de moi qu’il me renvoie sont nécessairement réducteurs.

Poser une telle question aux passants, comme le ferait un journaliste dans un micro trottoir, est-ce une manière de dire que l’opinion recèle toujours sa part de vérité, qu’il n’y a pas de vérité, ou est-ce affirmer qu’il n’y a de vérité que dans les croisements de paroles dans un monde n’existant, pour l’un comme pour l’autre, que dans l’intersubjectivité ?

Dans le même temps, le dialogue que l’artiste tente avec les passants révèle de manière aigüe la distance irréductible qui tous nous séparent à jamais de tout rêve de fusion, de communion.
Oui  les autres ne seront jamais autre chose que les autres, figures absolument contradictoires et énigmatiques.
Alors derrière l’apparente naïveté de la question, se profile une essentielle ambivalence éthique : d’un côté, la suspicion que nourrit l’artiste pour tous les communautarismes, tous les sectarismes, l’écrasement des individualités. De l’autre, la conscience que « les autres » ce n’est pas « l’autre », qu’il y a dans cette indifférenciation, cette chosification de qui n’est pas moi de quoi suspendre toute forme de responsabilité morale et au-delà, politique. Deux écueils aussi dangereux l’un que l’autre.

Cette vidéo a été écrite et réalisée dans le cadre d'une résidence d'artiste, à la Cité Internationale des Arts en 1999, et présentée comme partie intégrante de l'installation Médecine douce, au Couvent des Cordeliers à Paris (mai-juillet 1999).

 

*Jean-Paul Sartre – L’Etre & le Néant – Troisième Partie – « Le Pour-autrui » - Collection Tel -  Editions Gallimard - 1943


Marie DeparisParis 2007.

vidéo distribuée par Heure exquise ! www.exquise.org

 

 

Who are other people? That seemingly simple question was inspired to the artist by the question the Algerian writer Mohammed Dib asked a few French philosophers, among which Jacques Derrida. For Mounir Fatmi, the idea is to take this classic philosophical question out of its intellectual context and confront it to the streets. So here it is, handed over to the people in the streets of Paris and Mantes la Jolie, a Parisian suburb. The answers are laconic, evasive, tender, conniving, sometimes philosophical. They are also everything and anything, apparently obvious and nevertheless ambivalent. From “there are no others” to “everyone is another”, what passers-by say reveals the delicate ambiguity of any definition, with the risk of permanently being ignorant of one’s fellow human being – whether it’s because we deny his difference or because we generously perceive him as similar – and underlines the difficulty of giving a precise meaning to what alterity really is.

“The others are the others”. This tautological sentence carries in it all the negativity injected in the heart of human relations: “Other people are those who are not me and who I am not”.* This video questions the way each one of us, according to our experiences, our spontaneity, perceives this double structure of the same and the other, the other than me and at the same time the other me, this “myself that nothing separates me from (…) other than its pure and total freedom”*, and the essential reversibility of this assertion.

The Others are the Others engages in a reflection that spans all the artist’s work about the constitution of identity. To ask and to wonder who the others are is also to ask and to wonder who I am, or rather how I constitute myself, how I define myself in the eyes of others. A passer-by grabs the camera and turns it toward the artist who is asking him the question: “The others are him.” Other people might be the essential “mediators between me and myself”* who tell me who I am and that I cannot avoid. Their gaze and the image of myself they send back to me are necessarily reductive.

Is asking such as question to people on the street, like a journalist would do for a report, a way of saying that opinions always carry a proportion of truth, that there is no truth, or does it amount to stating that there is only truth in the combination of words in a world that only exists, for one and for the other, in its intersubjectivity?

At the same time, the dialogue the artist tries to create with passers-by acutely reveals the irreducible distance that separates us all from any dream of fusion or communion.
Yes, the others will never be anything else than the others, those absolutely contradictory and enigmatic figures.
So behind the apparent naivety of the question one can perceive an essential ethical ambivalence: on one hand, the artist’s wariness towards any kind of communitarianism, sectarianism, the crushing of individualities. On the other hand, the conscience that “the others” aren’t “the other”, that in this lack of differentiation, in this reification of he who isn’t me lies the possibility of suspending any form of moral – and beyond that political – responsibility. Two pitfalls that are both extremely dangerous.

This video was written and directed in the context of the artist’s residency at the Cité Internationale des Arts in Paris in 1999, and was presented as part of the installation Alternative Medecine at the Couvent des Cordeliers in Paris, mid-July 1999.



*Jean-Paul Sartre – Being and Nothingness – Part 3 – “Being for Others” -1943



Marie Deparis, Paris, 2007.

Video distributed by Heure Exquise ! www.exquise.org