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21. | The machinery
 
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  • 2006, France, 6 min 02, SD, 4/3, B&W, stereo.
    Courtesy of the artist and Conrads, Düsseldorf.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

Video

'' The spinning inscription reminded some of the whirling dance that leads to dhikr or remembrance of God. ''


Laura U. Marks, Millennium Film Journal, 2010
 




Au commencement, en plan rapproché, des signes occupent tout l'espace de l'écran. Des tracés énergiques, des pleins et des déliés, des vides. Puis, un lent zoom arrière révèle que le dessin abstrait que nous avions pris pour une totalité était seulement le détail d’une calligraphie arabe. Le changement de point de vue augure le passage du simple plaisir esthétique de la contemplation, à la reconnaissance, ou à la lecture, d’un Hadith de Mahommet. La ligne, d'abord simplement graphique, devient langage et sens. Puis, tandis que ce dessin-écriture suspendu dans le noir prend l'apparence d'une sphère flottant dans un espace indéfini, nous sommes immergés dans un espace sonore complexe, fait de matités et de stridences, de crescendos et d'atténuations. Cette bulle sans bord, très lentement d'abord, puis de plus en plus vite, tourne sur elle-même. Comme le font les Rotative plaques verre de Marcel Duchamp lorsque activées se forme une illusion d'optique, la composition de la Machinery de Mounir Fatmi se déconstruit pour laisser place à un affolement de lignes tourbillonnantes laissant à peine le temps d'entr'apercevoir des images émerger et disparaître, monstres et paysages se métamorphosant au gré de l'image en mouvement. On pense à Max Ernst peignant pendant la Seconde Guerre mondiale une planète affolée par la guerre. Le calme revient, et l'objet retrouve son initiale stabilité. Pour peu de temps. La rotation vertigineuse reprend et l'on sent bien que cette fois seule la catastrophe arrêtera cet inhumain dépassement des limites de l'espace et du temps. Ce sera l'implosion qui adviendra soudainement à l'écran, la dissolution du signe dans le néant et le silence.

Ici le spirituel (évoqué par le texte) se trouve actionné par une machinerie meurtrière, programmée par un système invisible pour une autodissolution inéluctable. Le verset du Coran est un signifiant flottant instrumentalisé, terroriste, machinerie sans corps, sans pensée et sans désir, engrenage d'une mécanique aveugle excluant tout hasard et toute incertitude jusqu'à l'anéantissement, jusqu'au dernier mot. Plongés dans ce dispositif hypnotique, tentés par la pure délectation de l'expérience sensorielle, nous voici responsables, devant l'image et devant le sens, de notre position de regardeurs.

"Something is possible, je l'espère" écrit Mounir Fatmi qui affirme ses affinités électives avec Edward Saïd ou Salman Rushdie. Et si quelque chose est possible, ce sera peut-être après que le Livre ait perdu sa fonction de vecteur d'idéologies meurtrières. Ainsi, Marc-Alain Ouaknin, dans Le livre brûlé, évoquait-il, en référence à Rabbi Nahman de Braslav, "la nécessité de brûler les livres saints" , pour qu'adviennent le désir et le projet.
Si quelque chose est possible, ce ne sera sûrement pas sur le versant d'un "retour" aux communautarismes, terroirs ou tribus portés par leurs propres violences, et leurs systèmes terribles de dominations et de soumissions.
Si quelque chose est possible, ce sera peut-être dans le volontarisme désenchanté et toujours ébloui, l'alliance du sensible et de l'éthique, de la mémoire et de la création dont le travail de Mounir Fatmi est l'une des occurrences.

D’après « Le dernier mot…et après » d’Evelyne Toussaint, maître de conférences en histoire de l'art contemporain, Université de Pau et des Pays de l'Adour, France


vidéo distribuée par Heure exquise ! www.exquise.org

 

 

At the beginning, in a medium close-up, the whole screen is taken up by signs. Dynamic lines, full, fine and empty. Then a slow zoom out reveals that the abstract design that we had taken as a whole is just one detail of an Arabic calligraphy. This change of viewpoint foresees the passage from a simple aesthetic pleasure to contemplation, recognition, or reading of Mahommet's Hadith. The line, which begins as simply graphic, becomes language and meaning. Then, while this drawing-writing suspended in the dark takes the appearance of a sphere floating in an indefinite space, we are immersed in a complex sonorous environment, made up of dullness and stridency, crescendos and diminuendos. This rimless bubble turns on itself, very slowly at first then faster and faster. Like the optical illusion of Marcel Duchamp's Rotative plaques verre ("Rotary Glass Plates”) when they are activated, the composition of mounir fatmi's The Machinery deconstructs giving way to a panic of swirling lines hardly leaving time to catch a glimpse of the images emerging and disappearing. Monsters and landscapes metamorphasize at the whim of the moving image. It is reminiscent of Max Ernst painting a planet distraught by war during the Second World War. The calm returns and the object rediscovers its initial stability. But only briefly - the vertiginous rotation starts up again and this time we feel that only a catastrophe will stop this inhuman overrun
of the limits of space and time. The screen will suddenly implode, the sign being dissolved into nothingness and silence.

Here the spiritual (evoked by the text) finds itself activated by a lethal machine, programmed by an invisible system for inevitable auto-destruction. The verse from the Koran is a floating, manipulated, terrorist signifier, a disembodied machinery without thought or desire. It is the spiral of a blind mechanism excluding all chances and uncertainties to the point of annihilation, down to the last word. Plunged into this hypnotic system, tempted by the pure enjoyment of the sensorial experience, we stand responsible, before the image and the sound, for our position as spectators.

“Something is possible, I hope” writes mounir fatmi affirming his elective affinities with Edward Said or Salman Rushdie. And if something is possible, perhaps it will be after The Book has lost its function as a vector for murderous ideologies. Thus Marc-Alain Ouaknin evoked in The Burnt Book, in reference to Rabbi Nahman of Braslav, “the necessity to burn holy books”, so that desire and vision can take place. If something is possible, it certainly won't be on the side of a “return” to sectarianism, territories and tribes carried by their own violence and their terrible systems of domination and submission. If something is possible, perhaps it will be in the disenchanted and always dazzled philosophy of the will, the alliance of the sensitive and the ethical, of memory and
creation, of which mounir fatmi's work is an example.

Based on « Le dernier mot…et après »,Evelyne Toussaint, professor in the history of contemporary art, Université de Pau et des Pays de l'Adour, France.

Translation: Caroline Rossiter.