02.
   
   
 


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03. | Fragile Communication
 
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  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

  • 1999, serie of 8 drawings, pencil on paper, 40 x 17,7 cm.
    Exhibition view from Blinding Light, Analix Forever, 2013, Geneva.
    Courtesy of the artist.

'' Red stripes are found in the oldest of these drawings; red in the obstacles as well,

one of Fatmi’s “signature” pieces, as in the cables. A red that re-creates a connection, he uses. ''

a different connection.


Barbara Polla, September 2013
 




Collection of Vehbi Koç Foundation, Istanbul

 

Le dessin fondateur

Les dessins de mounir fatmi, s’ils restent encore confidentiels, sont fondateurs. Car si l’artiste est connu et largement reconnu pour ses grandes installations, ses sculptures et désormais aussi pour ses vidéos et ses photographies, il dessine depuis toujours. Non seulement il dessine depuis toujours – certains dessins datent de 1995, 1996 et si l’artiste, souvent saisi par l’autocritique, en a éliminé un grand nombre – mais ceux qui restent, particulièrement précieux, nous parlent des thèmes fondamentaux du travail de mounir fatmi : les ciseaux, la coupure, celle du cordon ombilical, de la langue et du langage ; l’amputation, la rupture culturelle, la nécessité de refaire lien pour survivre ; la greffe enfin, physique, corporelle, culturelle. fatmi : « On y trouvera un corps mutilé, composé, recomposé, comme une apparition ; un corps sans jambe, une jambe dans un autre dessin, et un cordon ombilical qui relie les corps ; beaucoup de détails que l’on retrouve dans mes vidéos. »        

Le dessin, intime et fragile (plusieurs séries de dessins comportent d’ailleurs le mot « Fragile » dans leur titre) : comme un fil rouge tout au long des années. Le fil rouge ? Au propre et au figuré. Les bandes rouges se retrouvent dans les dessins les plus anciens ; le rouge dans les obstacles aussi, l’une des œuvres « signatures » de fatmi, comme dans les câbles. Le rouge qui refait le lien, un autre lien. « Le rouge est une couleur qui s’impose à moi, dit l’artiste, elle est de l’ordre de la nécessité : elle arrive, elle met de l’ordre, elle gère mon chaos. Le rouge c’est le sang du mouton : tu dois voir cela pour devenir un homme. » Dans sa dernière vidéo en date, intitulée L’histoire n’est pas à moi (2013), on voit mounir farmi qui “écrit” avec des marteaux sur une ancienne machine à écrire. Tout le film est en noir et blanc, mais la bande de l’encre est rouge...        

Le blanc, lui, tel celui de la série Fragile Communication par exemple, c’est, pour l’artiste, la couleur de la maison, la couleur de sa mère ; le blanc c’est l’intérieur ; le blanc recouvre, il cache l’histoire, il permet de passer à autre chose. Le blanc c’est le nuage… Une phrase du manifeste de fatmi dit : « Je ne sais pas si les nuages me protègent du soleil ou me cachent sa lumière. » Le blanc, protection intérieure ou effacement de la mémoire, comme dans cette série de peintures recouvertes de blanc et intitulée « Sans témoin » ? Le blanc et le rouge, encore. Mounir se souvient de Saladi, un peintre fou qui peignait un alphabet rouge sur les murs de sa chambre. Mounir souvent, regardait dans cette chambre… quand Saladi est mort, mounir a voulu filmer cette chambre peinte en rouge – mais la famille avait tout de suite tout repeint en blanc – tout effacé. Le dessin, pour mounir fatmi comme pour tant d’autres artistes qui dessinent, est en réalité toujours lié à l’idée de l’effacement. Fatmi, quand il dessine, efface beaucoup, avec la gomme, indispensable instrument, mais aussi avec ses mains, avec ses doigts, tant et plus qu’il finit parfois par avoir des ampoules au bout des doigts. « Et parfois, dit-il, je me coupe avec le papier, lorsque celui-ci est dur, coupant – la blessure infligée par le papier est alors comme une sorte de trahison. » Le rapport au dessin devient très sensuel, l’artiste aime le moment de tailler le crayon – avec le taille-crayons c’est comme un corps qui entre dans un autre – mais il aime aussi le tailler au couteau, un geste violent, sensuel lui aussi, quasiment préhistorique lui semble-t-il. Dessiner ? « C’est très intime et très sérieux, et ludique en même temps. Jamais mineur. Jamais une esquisse seulement. » Ainsi, autour du thème cher à mounir fatmi de « La Jambe noire de l’Ange » (http://www.mounirfatmi.com/work-347-43.html) – symbole donc de la greffe culturelle – s’organisent toute une série d’œuvres, dessins, vidéos, photographies. Le dessin s’avère essentiel à mounir fatmi pour s’approprier l’oeuvre. Car comme il le dit si justement, « La vidéo est un art qui peut s’éteindre – le dessin, lui, continue d’exister, visuellement il ne s’éteint pas. Pour fabriquer cette jambe j’ai eu besoin de la dessiner, de l’effacer, de la dessiner encore et encore, jusqu’à saturation. » Le résultat ? Les dessins de « La Jambe noire de l’Ange » sont parmi les plus somptueux réalisés à ce jour par mounir fatmi. Mounir fatmi, si amoureux du dessin qu’il aimerait que l’on invente des résidences, spécifiques, de dessin. Il rêve d’aller en Italie, en Espagne, faire du dessin et que du dessin. Et revenir avec une quantité de feuilles comme quand il est rentré d’Italie autrefois, avec ses dessins d’académie… ces dessins que son père trouva un jour.
– « Tu es parti trois ans en Italie pour faire ça ? »

- Oui, des dessins de corps !

- Des corps de qui ? je ne vois que des prostituées. En tous cas ce ne peuvent être ni ta mère ni tes sœurs, je ne vois que des prostituées qui louent leurs corps pour que toi et tes camarades fassent des jolis dessins.

- Oui, tu dois avoir raison, ai-je répondu.        
Tu as tout à fait raison, il n y a pas que le corps, la technique, il y a aussi une vie derrière tout ça.

- Je m’en fous de ce qu’il y a derrière tout ça. En réalité, j’avais dessiné des corps. Mon père, en les regardant, voyait des femmes, de chair et de vie. La puissance du dessin, fondateur.



Barbara Polla, Septembre 2013.

 

 

 

  The fundamental drawing

Mounir Fatmi’s drawings might still remain confidential, they are nonetheless fundamental. The artist is widely renowned for his large-scale installations, his sculptures and now also for his videos and photographs, but he has always been drawing. Not only that – some of his drawing date back to 1995 and 1996, but the artist, often critical of his own work, has discarded many of them – the ones that remain, therefore particularly precious, touch upon the fundamental themes in Mounir Fatmi’s work: scissors, cutting, whether of the umbilical cord or of the tongue and language; amputation, cultural rupture, the necessity to create new connections in order to survive; and finally transplants, whether physical, bodily or cultural. Fatmi says: “You will find in there a mutilated and recomposed body, like an apparition; a body with no legs, a leg found in another drawing and an umbilical cord that connects bodies; and many details that can be found in my videos.”

Drawings, an intimate and fragile medium (several series of drawings actually contain the word ‘fragile’ in their titles), like a guiding red thread through the years. A red thread? Literally and figuratively. Red stripes are found in the oldest of these drawings; red in the obstacles as well, one of Fatmi’s “signature” pieces, as in the cables he uses. A red that re-creates a connection, a different connection. “To me, red is a color that just imposes itself, says the artist. It’s like a necessity: it comes, sets things straight, puts some order in my chaos. Red is the blood from a sheep: you have to see it to become a man.” In his latest video entitled History is not mine (2013), Mounir Fatmi can be seen “writing” with hammers on an old typewriter. The film is in black and white, except for the red ink ribbon…

As for the color white, such as in the series Fragile Communication for example, to the artist, it represents the color of home, the color of his mother; white is the inside, it covers, hides history, allows us to move on. White is the clouds… A sentence from Fatmi’s manifesto reads: “I don’t know if clouds protect me from the sun or hide its light.” Is white is an internal protection or the erasure of memory, like in the series of paintings covered in white entitled “Without a witness”? White and red, again. Mounir remembers Saladi, a mad painter who painted a red alphabet on the walls of his room. Mounir would often peek into that room… When Saladi died, Mounir wanted to film that room painted red, but the family had already painted it white and erased everything. Drawing, for Mounir Fatmi as for so many other artists who draw, is actually always related to the idea of erasure. Fatmi, when he draws, erases a lot, using an eraser, an indispensable instrument, but also with his hands and fingers, so much so that he sometimes ends up with blisters on the tips of his fingers. “Sometimes, he says, I cut myself with the paper, when it’s rigid and sharp-edged – and the wound inflicted by the paper is like a sort of betrayal.” The relation to drawing becomes something very sensual, the artist enjoys the moment when he sharpens his pencil – using a pencil sharpener is like one body entering another – but he also likes sharpening it with a knife, a violent gesture, but sensual too, almost prehistoric, he believes. Drawing? “It’s very intimate and serious, and fun at the same time. It’s never something minor. Never just a sketch.” Around the theme, precious to Mounir Fatmi, of “The Angel’s Black Leg” (http://www.mounirfatmi.com/work-347-43.html) – the symbol of a cultural transplant – a whole series of works is articulated: drawings, videos, photographs. Drawing proves to be essential to Mounir Fatmi so he can appropriate the original work. As he rightly says: “Video is an art that can be turned off, whereas drawings continue to exist, they can never be extinguished visually. To create that leg, I needed to draw it, erase it, draw it again and again, up to a point of saturation.” The result is that the drawings for “The Angel’s Black Leg” are among the most beautiful that Mounir Fatmi has ever made. The artist loves the art of drawing so much he wishes specific drawing residences existed. He dreams of traveling to Italy or Spain and doing nothing but drawing. And then coming back with numerous sheets of paper, like when he came home from Italy many years ago, with his academy drawings that his father found one day.
- "You went to Italy for three years to do that?"

- Yes, I drew bodies! 

- Whose bodies? All I see is prostitutes. They certainly couldn’t be your mother or sisters, I see only prostitutes who sell their bodies so that you and your friends can make pretty drawings.

- Yes, you’re probably right, I answered. You’re absolutely right, it’s not just the bodies and the technique, there’s also life behind these drawings.

- I don’t care what’s behind them. In reality, I had drawn bodies. My father, when he saw them, saw women, made of flesh and life. The fundamental power of drawings.









Barbara Polla, September 2013.